Saturday, September 8, 2012

Canada - Rejetons l’éteignoir électoral! Organisons-nous pour renverser la bourgeoisie et son État!




Au moment de mettre sous presse, les cours étaient sur le point de reprendre au Québec dans la totalité des 14 cégeps qui étaient encore en grève au moment où le gouvernement Charest a adopté son infâme loi spéciale à la fin mai. Quelques dizaines de milliers d’étudiantes et d’étudiants sont techniquement encore en grève dans un certain nombre de facultés universitaires, mais on saura dans quelques jours, au moment où la reprise des cours est prévue selon le calendrier établi en vertu du projet de loi 78 (désormais la loi 12), si la grève tiendra le coup.

Contrairement à ce que plusieurs ont cru à première vue lorsque les libéraux l’ont déposé, le projet de loi 78 ne visait pas tant à interdire les manifestations de rues qu’à créer une situation où la poursuite de la grève allait s’avérer incertaine. Les manifestations se sont d’ailleurs poursuivies avec force, la plupart dans l’illégalité et personne, à ce que l’on sache, n’a encore été poursuivi en vertu des nouvelles dispositions limitant le droit de manifester. En suspendant la session en cours dans les institutions en grève alors qu’il planifiait déjà le déclenchement des élections, le gouvernement a cru que cela suffirait à disperser le mouvement – ce en quoi il aura finalement eu raison.
Il est difficile de départager quels ont été les principaux facteurs expliquant la décision des étudiantes et étudiants de mettre fin à la grève dans les diverses assemblées générales qui ont eu lieu: entre les menaces d’annulation de la session d’hiver, les pressions sociales, voire familiales qui pesaient sur elles et eux, la mobilisation des opposants à la grève par les administrations locales, les illusions électorales, le sentiment d’avoir «déjà gagné»… Pour que le mouvement se poursuive à la mi-août, il eut fallu une préparation et une mobilisation de tous les instants durant ces deux mois et demi pendant lesquels les sessions ont été suspendues. Or, c’est précisément là-dessus que le mouvement a trébuché.
Dès que la perspective d’une élection générale s’est concrétisée, les deux grandes fédérations étudiantes inféodées au PQ et à l’appareil d’État, la FECQ et la FEUQ, ont repris leurs bonnes vieilles habitudes, qu’elles avaient été obligées de mettre de côté avec le déclenchement du puissant mouvement de grève qu’elles n’ont par ailleurs jamais souhaité ni organisé.
De l’annonce de la candidature de l’ex-président de la FECQ Léo Bureau-Blouin, passé au Parti québécois en deux temps, trois mouvements, aux déclarations de sa successeure Éliane Laberge, qui a affirmé sans gêne que la grève n’est peut-être pas le meilleur moyen de faire valoir les revendications étudiantes, et à celles de la présidente de la FEUQ, Martine Desjardins, regrettant tout à coup avoir été «trop dure» à l’endroit de l’ex-ministre de l’Éducation Line Beauchamp, les fédérations auront lourdement contribué à semer la confusion parmi les étudiantes et étudiants.
Quant à la CLASSE, à qui il faut reconnaître l’immense mérite d’avoir non seulement initié le mouvement de grève, mais de lui avoir donné et redonné du souffle à de nombreuses reprises, sa responsabilité est néanmoins engagée. La coalition a choisi de se lancer dans une grande tournée d’éducation populaire au cours de la période estivale, en tenant pour acquis que le mouvement sur la base duquel elle souhaitait initier une grande lutte sociale allait se poursuivre par lui-même.
Pendant de longues semaines, ses porte-parole se sont retranchéEs derrière l’idée que «c’est aux étudiantes et étudiants de décider» pour refuser d’appeler publiquement à la poursuite de la grève. Il a fallu attendre le dimanche 12 août, alors que le mouvement de retour en classe était déjà amorcé, pour que la CLASSE appelle enfin – quoique trop tard – à la poursuite de la grève. Il n’est pas dit que si elle l’avait fait dès le mois de juin, le résultat eut été totalement différent ; mais il reste que le capital de sympathie et «l’autorité politique» qu’elle a gagnée à la faveur du conflit auraient certes pesé dans la balance.
Cela dit, il semble qu’en règle générale, les étudiantes et étudiants qui sont rentréEs en classe ne l’ont pas fait la tête basse ; et personne (pas même Jean Charest!) n’oserait affirmer que la fin de la grève signifie un appui à la hausse des frais de scolarité et aux politiques du gouvernement libéral. L’effritement, voire la fin de la grève n’efface pas ce qui a été accompli: la grande année rouge des étudiantes et étudiants du Québec n’a pas fini de laisser des traces.
Des dizaines de milliers d’étudiantes et d’étudiants sont devenuEs des militantes et militants et ont confronté avec succès un appareil d’État au service de la classe dominante, dont toutes les forces (police, «justice», parlement, idéologie) ont été déployées contre le mouvement de grève. Des centaines de milliers de prolétaires et de gens du peuple les ont appuyéEs et ont été inspiréEs par leur juste combat contre la hausse des frais de scolarité et pour le droit à l’éducation. Dans un contexte de crise dont la bourgeoisie tente de rejeter le fardeau sur le dos des masses prolétariennes et populaires, ce n’est pas rien et cela ouvre la porte à une belle et grande période de résistance.
Ceux et celles qui ont souhaité que le mouvement progresse de façon linéaire jusqu’à ce qu’une sorte de grand soulèvement (la «grève sociale») fasse chuter le gouvernement bourgeois ont vraisemblablement mal saisi la complexité de la situation. La grève étudiante et le mouvement qu’elle a généré trouveront leur accomplissement dans l’élaboration de nouvelles perspectives de lutte et de nouvelles formes et modes d’organisation, en rupture avec ceux qui sont autorisés et privilégiés dans le cadre de la société bourgeoise.
L’imprévisibilité du résultat des élections du 4 septembre témoigne à sa manière de la profondeur du mouvement des derniers mois et de la crise politique qu’il a provoquée. Après trois mandats, le Parti libéral semble avoir épuisé le capital politique dont il disposait pour diriger l’État québécois au profit de la grande bourgeoisie. Celle-ci semble par ailleurs incapable de s’entendre sur une «alternative» crédible, qui soit en mesure de faire le job qu’elle s’attend de son «comité exécutif» tout en préservant la paix sociale nécessaire à la bonne marche de ses affaires. L’élection probable d’un gouvernement minoritaire laisse entrevoir un approfondissement de cette crise.
Le débat qui fait actuellement rage sur la participation électorale, qui voit bon nombre de militantes et militants – y compris au sein de la CLASSE – privilégier la voie des urnes à celle de la rue et enfourcher le discours culpabilisant de la grande bourgeoisie, qui implore les masses populaires à faire leur «devoir de citoyen» et à participer au cirque électoral, sépare les camps et rend les choses plus claires.
Dans ce débat, les communistes révolutionnaires appellent à boycotter les élections et à s’organiser, non pas pour revivifier la fausse démocratie de la bourgeoisie, mais pour créer le mouvement qui détruira toutes ces vieilles institutions qui fondent le pouvoir de cette minorité!

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