Avant même que le projet de loi entame son circuit législatif, des voix s’élèvent pour dénoncer une «mauvaise foi gouvernementale».

Au moment où le très attendu projet de loi organique sur le droit de grève a été soumis, jeudi 28 juillet, au Conseil de gouvernement pour approbation, le syndicat le plus représentatif à l’échelon national, en l’occurrence l’UMT, a décidé de le rejeter sans même l’avoir consulté. A en croire plusieurs sources syndicales, aucune version du projet de loi organique en question ne leur a été à ce jour rendue de façon officielle.
Présenté et défendu par Abdeslam Seddiki, ministre de l’emploi et des affaires sociales, le projet de loi organique relatif au droit de grève est à l’heure où nous mettions sous presse en examen au Conseil de gouvernement. En cas d’approbation, très probable selon les syndicats, ce texte sera ensuite soumis aux parlementaires pour examen, amendement et vote. Seulement voilà, avant même que le projet de loi entame son circuit législatif, des voix s’élèvent pour dénoncer une «mauvaise foi gouvernementale». C’est le cas du secrétaire général de l’UMT, Miloudi Moukharik, qui précise dans une déclaration à ALM que la dernière mouture du projet de loi organique sur le droit de grève aurait été élaboré sans consultations préalables avec les syndicats.
«Il faut savoir qu’il ne s’agit pas d’une simple rédaction mais de l’orientation et de la philosophie de cette loi dont l’importance pour le pays n’est plus à justifier», argumente l’homme fort de l’UMT avant de trancher : «C’est un texte que nous rejetons d’avance sur le plan méthodique». Le secrétaire général de l’UMT va encore plus loin en relevant une transgression des instructions royales dans ce sens en s’appuyant sur le discours prononcé en octobre 2015 par SM le Roi Mohammed VI à l’occasion de l’ouverture de la session parlementaire d’automne. «SM le Roi avait clairement précisé que l’élaboration du projet de loi organique sur la grève nécessite d’engager de larges consultations et de faire preuve d’un esprit de consensus constructif, de sorte à garantir les droits des travailleurs, les intérêts du patronat et l’intérêt de la Nation», insiste Moukharik.
Même son de cloche au niveau de la Confédération démocratique du travail (CDT) dont le secrétaire général adjoint, Abdelkader Zaïr, nous apprend toutefois que le syndicat a d’ores et déjà les détails dudit projet de loi organique. «Nous avons pu au final avoir ce texte de manière officieuse. Ceci n’est pas digne d’un gouvernement qui déclare vouloir adopter une approche participative avec ses différents partenaires sociaux», nous confie-t-il. Concernant le contenu du texte, cette même source estime que les dispositions qui y sont inscrites ne garantiraient pas l’intérêt de l’employé, notamment pour ce qui est des conditions pour déclencher la grève et les délais dans lesquels les employeurs devraient être avisés .
Pour leur part, des sources gouvernementales sûres défendent le projet en assurant qu’il intervient pour garantir l’équilibre entre le droit de grève, la liberté de travailler, et la continuité du service public. «Personne n’a le droit d’empêcher un employé d’exercer son droit de grève tout comme personne ne peut empêcher un salarié de ne pas y adhérer et travailler», apprend-on auprès de cette source. Réagissant à cela, le numéro 2 de la CDT campe sur sa position et estime qu’«il s’agirait plus de mesures de revanche et de restriction des droits des salariés au profit des patrons qu’une réglementation de ce droit constitutionnel. Si ce texte est appliqué tel qu’il est, le recours à la grève sera contraignant et l’application de la procédure pourrait prendre deux à trois mois. Ce qui garantit avant tout la prospérité des intérêts des employeurs». S’ajoutent à cela des termes jugés «vagues» par les syndicats tels celui du maintien d’un service minimum en cas de grève. «Cette loi organique nécessiterait-elle une autre loi organique pour la définir ?», ironise-t-il avant de conclure. «Ce gouvernement est sur le point de partir. La classe ouvrière et le patronat seront toujours là. Nous devrions plutôt travailler pour réduire les causes qui conduiraient à de prochaines grèves».
Qui peut déclencher la grève ?
Dans sa mouture présentée au Conseil de gouvernement, le projet de loi organique relatif à l’exercice du droit de grève énumère clairement dans son article 6 les personnes et parties en mesure d’appeler à cette forme revendicative. Il s’agit d’abord du syndicat le plus représentatif au niveau de l’entreprise ou l’institution. Si cette condition n’est pas satisfaite, c’est le syndicat qui a le plus grand nombre de délégués du personnel qui prend le relais. En dernier recours, en cas d’absence de toute représentation syndicale au sein de l’établissement en question, ce serait à la simple majorité des salariés d’appeler à cette grève. Pour garantir ce droit, l’article 9 de ce texte interdit aux employés d’empêcher la tenue de la grève ou de recourir à la soutraitance de compétences pour pallier le manque d’effectif durant cette grève (art 10). Cela dit, si les salariés refusent d’assurer un service minimum, l’article 34 leur permet sur ordre de justice de recourir à d’autres salariés pour garantir la continuité des activités. Par ailleurs, en cas d’arrêt de cette grève d’un commun accord, l’article 23 interdit aux employés de mener une grève pour les mêmes motifs et ce, dans un délai d’une année suivant l’arrêt ou l’annulation de la grève.
Les interdits de grève sont…
Conformément à l’article 23 du projet de loi organique relatif à l’exercice du droit de grève, les catégories interdites de grève sont les magistrats et les juges des tribunaux financiers, les membres des Forces armées royales (FAR) et les Forces auxiliaires, les fonctionnaires de l’administration territoriale ainsi que ceux de l’administration de la douane, porteurs d’armes.
Outre ces personnes, tous les fonctionnaires et auxiliaires de l’administration financière sont interdits de grève au même titre que les fonctionnaires et auxiliaires de la protection civile, des eaux et forêts porteurs d’armes.
Les personnes chargées d’assurer un service minimum et celles chargées de veiller sur la santé et la sécurité professionnelle dans les lieux de travail durant la grève sont également concernées.